Goodyear

J'entre dans l'usine ce midi, on me laisse passer au poste de garde, la vigilance semble être en baisse  par rapport à ma première entrée dans l'usine.

Je retrouve Didier accompagné de plusieurs autres salariés, en train de casser la croûte dans un bureau. Pain, pâté, rosé, de la bouffe de lutte syndicale en somme. Ça vanne, chacun y va de ses anecdotes. La fin se fait sentir, on fait les comptes des différentes machines sur lesquelles on a travaillé, on se souvient d'avant, des cadences importantes dont on ne se plaignait pas car le salaire était bon.

En marchant près des bureaux je ne suis pas fier, impressionné par le nombre de salariés présents : Mickaël Wamen a des annonces à faire, nous sommes presque à la signature du plan social.

Je parle de mon projet à Mickaël, ancien CGTiste qui a quitté la lutte en cours de route et qui semble au plus mal aujourd'hui, à Stéphane, qui est embauché ici depuis 13 ans, dont la femme vient d’avoir un CDI chez Dunlop et qui y bosse « comme un homme ». Ils savent que c’est fini, que l’usine va fermer.

Alors je me demande : mais qu’est-ce qu’on fait quand on arrête ce qui a fait sa vie ? Quand tout l’avenir s’effondre ? Quand sept années de lutte se finissent et que le futur est obscur ?

C’est ça que j’ai essayé de filmer, d’enregistrer. Je voulais garder une trace de ce passé, qu’il ne s’enfonce pas dans l’oubli.